Place des injections intra-vitréennes d’anti-VEGF dans le traitement des œdèmes maculaires inflammatoires
  1. Maalej Afef
    afefmaalej at yahoo dot fr
    Service d’ophtalmologie, Hôpital Militaire de Tunis- Faculté de Médecine de Tunis, Université de Tunis Elmanar, 15 Rue Djebel Lakhdhar. La Rabta. 1007, Tunis - Tunisie
  2. Zerei Noura
    Service d’ophtalmologie, Hôpital Militaire de Tunis- Montfleury 1008, Tunis, Tunisie. Université de Tunis Elmanar, 15 Rue Djebel Lakhdhar. La Rabta. 1007, Tunis - Tunisie
  3. Khallouli Asma
    Service d’ophtalmologie, Hôpital Militaire de Tunis- Montfleury 1008, Tunis, Tunisie. Université de Tunis Elmanar, 15 Rue Djebel Lakhdhar. La Rabta. 1007, Tunis - Tunisie
  4. Wathek Cheima
    Service d’ophtalmologie, Hôpital Militaire de Tunis- Montfleury 1008, Tunis , Tunisie. Université de Tunis Elmanar, 15 Rue Djebel Lakhdhar. La Rabta. 1007, Tunis – Tunisie.
  5. Nefaa Fehmi
    Service d’ophtalmologie, Hôpital Militaire de Tunis- Montfleury 1008, Tunis, Tunisie. Université de Tunis Elmanar, 15 Rue Djebel Lakhdhar. La Rabta. 1007, Tunis - Tunisie
  6. Rannen Riadh
    Service d’ophtalmologie, Hôpital Militaire de Tunis- Montfleury 1008, Tunis, Tunisie. Université de Tunis Elmanar, 15 Rue Djebel Lakhdhar. La Rabta. 1007, Tunis – Tunisie.
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.779
Date
2014-05-11
Citer comme
Research fr 2014;1:779
Licence
Résumé

Introduction : L’œdème maculaire constitue une complication rare mais grave des uvéites pouvant compromettre le pronostic fonctionnel. Sa physiopathogénie est multifactorielle et son traitement est souvent difficile. L’objectif de cette étude a été d’évaluer l'efficacité de l’injection intra-vitréenne (IIV) du bevacizumab dans le traitement des œdèmes maculaires inflammatoires.

Patients et méthodes : Nous rapportons les cas de 13 patients ayant eu une inflammation intra-oculaire compliquée d’un œdème maculaire sévère entrainant une baisse de l’acuité visuelle (AV) (< 5/10). Il s’agissait d’une uvéite intermédiaire idiopathique, une maladie de Behçet et une toxoplasmose respectivement dans 6, 4 et 3 cas. Une IIV de bevacizumab était pratiquée pour tous les patients avec un suivi clinique et tomographique.

Résultats : Nous avons noté une amélioration de l’AV d’au moins deux lignes dès la 4ème semaine après l’injection. La diminution de l’épaisseur maculaire à la tomographie de cohérence optique (OCT) était de 180 µm en moyenne. Une récidive de l’œdème était notée à 4 mois en moyenne après la première injection.

Conclusion : Les anti-VEGF semblaient être efficaces dans le traitement des œdèmes maculaires inflammatoires. Cependant, leur efficacité serait inférieure à celle des IIV de corticoïdes vue l’importance des phénomènes inflammatoires mis en jeu.

English Abstract

Introduction: Macular edema is a rare complication of uveitis, it can cause visual loss. The pathophysiology of macular edema is explained by many factors and his treatment remains challenging. We try to evaluate the efficacy of intravitreal bevacizumab in the treatment of inflammatory macular edema.

Patients and methods: We report 13 cases of intraocular inflammation complicated by severe macular edema causing significant visual loss with corrected visual acuity < 5/10 at best. 6 cases had idiopathic intermediate uveitis, 4 patients had Behçet disease and 3 eyes suffered from toxoplasmosis. A single intravitreal injection of bevacizumab was made. An optical coherence tomography was performed before and after the injection.

Results: Four weeks after the injection, an improvement of the best corrected visual acuity (2 lines) and a reduction of the macular thickness (180 μm) were noted. However, after an average of 4 months, macular edema recurred.

Conclusion: Anti-VEGF seems to be efficient in the inflammatory macular edema, but not as much as the corticosteroids are because of the importance of inflammatory phenomena.

Introduction

L’œdème maculaire inflammatoire est dû à l’accumulation de liquide dans la partie centrale de la rétine suite à la rupture de la barrière hémato-rétinienne causée par une inflammation intraoculaire prolongée. C’est une complication typique mais non spécifique des uvéites, et considéré avec la cataracte comme les causes les plus fréquentes de la baisse de l’acuité visuelle au cours des uvéites. Le traitement des formes précoces est plus aisé, avant l’installation des remaniements structurels définitifs et d’atrophie rétinienne.

L’attitude thérapeutique n’est pas bien établie, surtout pour ce qui est des formes infra-cliniques. Plusieurs thérapies sont désormais proposées, les plus utilisées étant les injections intra-vitréennes de corticoïdes et d’anti-VEGF.

Notre étude s’est intéressée au rôle des IIV de bevacizumab dans le traitement des œdèmes maculaires compliquant les uvéites.

Patients et méthodes

Une étude interventionnelle, prospective et non comparative a été effectuée, et s’est intéressée aux modifications fonctionnelles et anatomiques suite à une première injection d’anti-VEGF chez 13 yeux de 13 patients présentant un œdème maculaire secondaire à une inflammation intra-oculaire sévère compliquant une pars planite idiopathique dans 6 cas, une maladie de Behçet dans 4 yeux et une rétino-choroïdite toxoplasmique dans 3 yeux.

Tous les yeux injectés avaient une acuité visuelle (AV) inférieure à 5/10. Un examen clinique complet avec évaluation du degré d’inflammation du segment antérieur et du vitré, ainsi qu’un examen biomicroscopique du fond d’œil (FO) étaient effectués pour tous les patients, une angiographie rétinienne à la fluorescéine (AGF), et une tomographie en cohérence optique (OCT) avant, à 15 jours, à 1 mois puis tous les mois après une première IVT de bevacizumab. Le recul moyen était de 4 mois.

Place des injections intra-vitréennes d’anti-VEGF dans le traitement des œdèmes maculaires inflammatoires Figure 1
Figure 1. Résultats fonctionnels (AV moyenne) et anatomiques (épaisseur maculaire centrale (EMC) moyenne).
Résultats

Notre étude a porté sur 13 yeux de 13 patients présentant une uvéite intermédiaire ou postérieure compliquée d’un œdème maculaire confirmé à l’OCT et entrainant une baisse de l’AV (< 5/10). Il s’agissait de 7 hommes et 5 femmes dont l’âge moyen était de 47 ans (32-65 ans). Quatre semaines après l’IVT de bevacizumab, nous avons constaté une amélioration de l’AV de 2 lignes et une diminution de l’épaisseur maculaire à l’OCT de 180 μ en moyenne (Figures 1, 2, 3). Cette amélioration était maintenue jusqu’aux 2ème et 3ème mois.

Place des injections intra-vitréennes d’anti-VEGF dans le traitement des œdèmes maculaires inflammatoires Figure 2
Figure 2. Œdème maculaire compliquant une uvéite intermédiaire idiopathique : Examen angiographique, OCT et mapping avant et 1 mois après IVT.

Nous avons constaté une meilleure récupération fonctionnelle à 2 mois pour les patients ayant une bonne AV initiale. La présence d’un décollement séreux rétinien (DSR) chez 3 patients était corrélée à une mauvaise AV initiale et à une moins bonne récupération visuelle après IVT. Une discordance anatomo-fonctionnelle avec diminution de l’œdème maculaire à l’OCT, sans amélioration de l’AV était retrouvée pour une patiente chez qui l’AGF a mis en évidence une ischémie maculaire.

Place des injections intra-vitréennes d’anti-VEGF dans le traitement des œdèmes maculaires inflammatoires Figure 3
Figure 3. Maladie de Behçet compliquée d’un œdème maculaire répondant partiellement à une IVT de bevacizumab : Aspect angiographique et tomographique avant et à 2 mois après IVT.

Un début de récidive de l’œdème maculaire a été noté à 4 mois pour 3 patients atteints d’une maladie de Behçet avec diminution de l’AV et réaugmentation de l’épaisseur maculaire. Aucune complication de l’IVT n’a été observée.

Discussion

L’œdème maculaire (OM) inflammatoire (OMI) est une complication commune des uvéites quelque soient leur forme et leur sévérité [1]. Cependant, l’OM prédomine dans les cas associés à des troubles du vitré [1]. Lorsque les troubles intéressent le segment postérieur, l’inflammation peut engendrer un OM, un œdème papillaire ou bien une hyalite postérieure [2].

L’évaluation de cet œdème se base essentiellement sur l’AGF et l’OCT. L’angiographie permet de faire un bilan des lésions rétiniennes et choroidiennes et montre des diffusions maculaires en rapport avec l’OM. L’AGF est le seul examen qui permet de montrer la présence d’une ischémie maculaire [1]. L’OCT, examen non invasif, permet de faire un diagnostic précoce, à des stades infra-cliniques de l’OM, fournit des données objectives avec une quantification et un suivi précis de cette complication parfois cécitante. Une meilleure analyse de l’interface vitréo-rétinienne ainsi que la détection de certains signes associés n’est possible qu’à l’OCT [2].

Les facteurs de mauvais pronostic fonctionnel au cours des OM inflammatoires seraient : une durée d’évolution prolongée de l’uvéite et de l’OM, une large zone avasculaire fovéale, un décollement postérieur du vitré incomplet et une épaisseur maculaire importante [1].

Chez nos patients, nous avons remarqué qu’une mauvaise AV initiale s’associait à une mauvaise récupération finale. Sur le plan anatomique, la présence d’un DSR constituait un obstacle à l’affaissement de l’OM et à une bonne AV après IVT.

L’arsenal thérapeutique est très riche et a beaucoup bénéficié ces dernières années des progrès techniques et pharmaceutiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (topiques/ systémiques), corticoïdes (topiques, systémiques, péri-oculaires, intra-vitréens), inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (systémiques), la cyclosporine, la méthotrexate, le chlorambucil, l’adalimumab, l’infliximab et les anti-VEGF [3].

Le bevacizumab est un anticorps monoclonal, recombiné, anti-VEGF d’origine humaine qui a prouvé son efficacité dans le traitement des OM compliquant les occlusions veineuses rétiniennes, les rétinopathies diabétiques, les néovaisseaux choroïdiens secondaires à la dégénérescence maculaire liée à l’âge [4]. Son efficacité dans les OMI reste à prouver.

Les VEGF possèdent un effet pro-inflammatoire et augmentent la perméabilité vasculaire ce qui explique l’efficacité des anti-VEGF dans le traitement des OM de différentes origines et notamment dans les OM compliquant une inflammation intra-oculaire [5].

Dans la plupart des cas les anti-VEGF ont été injecté dans des yeux présentant un OM persistant et une uvéite inactive [6]. Une amélioration d’au moins deux lignes de l’acuité visuelle est notée mais l’effet est cependant transitoire ce qui explique le recours à des injections répétées [5]. Dans certains cas, le bevacizumab n’a pas eu d’impact sur l’acuité visuelle et l’épaisseur maculaire mais aurait joué un rôle dans la stabilisation de l’AV [4]. Le caractère transitoire de la réponse explique que les anti-VEGF ne sont pas indiqués dans les uvéites chroniques actives [6]. Aucune étude n’a évalué le risque de survenue d’uvéite après IVT d’anti-VEGF.

Une étude rétrospective concernant 36 yeux avec un OM cystoïde réfractaire d’origine inflammatoire et non infectieuse, suivis pendant 6 mois, répartis sur 2 groupes comparables et qui diffèrent par la modalité thérapeutique IVT bevacizumab versus IVT triamcinolone, ont eu un examen clinique, OCT et AGF. Les résultats ont montré la supériorité à court terme des corticoïdes pour l’amélioration de l’AV et la réduction de l’épaisseur maculaire avec des différences significatives [7].

Les IVT d’anti-VEGF causent moins de glaucomes et de cataractes que les IVT de corticoïdes, les IVT d’anti-VEGF sont préparées dans des solutions sans conservateurs, et seraient donc moins nocifs sur la rétine, cependant la courte demi vie intra-vitréenne du bevacizumab et son faible effet anti-inflammatoire expliquent son action limitée [8]. Par contre, Les anti-VEGF peuvent se compliquer d’accidents systémiques thromboemboliques.

Conclusion

Aucune uvéite n’est à l’abri d’un œdème maculaire. Il faut utiliser tous les moyens pour juguler l’inflammation, mais en l’absence de régression de l’OM, un traitement spécifique doit être instauré. Les anti-VEGF donnent des résultats favorables mais transitoires et moins efficaces que les corticoïdes. Leur place n’est pas encore bien définie dans la stratégie thérapeutique des OMI.

Références
  1. Mitkova-Hristova V, Konareva-Kostianeva M. Macular edema in uveitis. Folia Med (Plovdiv). 2012;54:14-21 pubmed
  2. Annette Ossewaarde-van Norel Clinical Review: Update on Treatment of Inflammatory Macular Edema; Ocular Immunology & Inflammation, 19(1), 75–83, 2011.
  3. Rothova A. Inflammatory cystoid macular edema. Curr Opin Ophthalmol. 2007;18:487-92 pubmed
  4. Cordero Coma M, Sobrin L, Onal S, Christen W, Foster C. Intravitreal bevacizumab for treatment of uveitic macular edema. Ophthalmology. 2007;114:1574-1579.e1 pubmed
  5. Acharya N, Hong K, Lee S. Ranibizumab for refractory uveitis-related macular edema. Am J Ophthalmol. 2009;148:303-309.e2 pubmed publisher
  6. Mackensen F, Heinz C, Becker M, Heiligenhaus A. Intravitreal bevacizumab (avastin) as a treatment for refractory macular edema in patients with uveitis: a pilot study. Retina. 2008;28:41-5 pubmed publisher
  7. Angunawela R, Heatley C, Williamson T, Spalton D, Graham E, Antcliffe R, et al. Intravitreal triamcinalone acetonide for refractory uveitic cystoid macular oedema: longterm management and outcome. Acta Ophthalmol Scand. 2005;83:595-9 pubmed
  8. Lasave AF. Short-term results of a Single Intravitreal Triamcinolone Acetonide (Kenacort) Injection for the Management of Refractory Noninfectious Uveitic Cystoid Macular Edema; Ocular Immunology & Inflammation, 17(6), 423–430, 2009.
ISSN : 2334-1009